Karim El Baheyri, le blogueur enfermé pour l'exemple

Publié le par Nora Dardir

Arrêté le 6 avril alors qu'il couvrait la manifestation dans une usine de Mahalla, le blogueur Karim El Baheyri est resté détenu pendant 73 jours. Les autorités lui reprochaient d’avoir incité à la grève sur son blog, dans lequel il évoque les actions de révolte organisées par les ouvriers égyptiens. Entretien 

LPJ : Dans une lettre, vous temoignez de mauvais traitements infligés lors de votre incarcération. Comment s’est déroulé votre arrestation et votre incarcération ?
Karim El Baheyri
 : Le 5 avril, j’écrivais mon dernier post sur le blog et je disais à ma mère que je ne reviendrai peut-être pas. Le lendemain, je suis allé couvrir les manifestations à Mahalla. Il y a eu des gens qui sont morts sous la main des policiers et je les ai filmés. J’ai raconté à la BBC au téléphone ce dont j’étais témoin. A 1h30 dans la nuit, ils sont venus me chercher en nombre et m’ont embarqué. Ils ont pris le téléphone et on détruit la caméra. Les trois premiers jours, je suis resté au commissariat sans manger, ni boire, ni dormir et ils m’ont torturé. On a dû me taper 26 heures en tout pour que je réponde à leur question : "Qui a organisé la manifestation ? Qui a créé le groupe sur Facebook ? Qui est Ahmed Hossein ? Quel est son lien avec Kefaya ?" Je n'ai jamais répondu à leur question, je leur disais que je ne savais rien, ce qui est vrai, je n’avais rien à voir avec tout ça, j’étais un simple blogueur qui vennait couvrir l’événement. Moi, je n’ai fait que leur parler de liberté, mais c’est une idée qu’ils ne comprennent pas.

Quelles sont, selon vous, les réelles raisons de votre arrestation ?
Si j'ai été arreté, ce n'est pas à cause des évènements de Mahalla. C’est une excuse. J’ai été arrêté à cause du blog, pour que tous les blogueurs comprennent que cette pratique n’est pas acceptée par le gouvernement. Le gouvernement m'a enfermé car il veut faire de moi un exemple. Mais ce qu’il n’a pas compris, c’est que s'il enferme 10 blogueurs ou 10 opposants, il y en aura 100 autres, s’il en enferme 100, il y en aura 1.000 et ce jusqu’à 80 millions.

Comment expliquez-vous votre libération ?
Mon histoire faisait le tour du monde. Karim commençait à être connu. Beaucoup de gens parlaient de moi et cherchaient où j’étais. Le gouvernement ne voulait pas me faire sortir mais il m’a libéré pour que les gens arrêtent de parler de moi. Il y a eu trop d’articles ou de manifestation pour ma libération. Karim est devenu connu, on ne peut plus le garder caché.


Quel rôle joue Internet dans la prise de parole de l’opposition ?
Internet est un moyen, un chemin pour faire comprendre au peuple ce qu'il nous manque : la liberté. Internet n’est pas l’élément principal d'une révolution, mais il reste essentiel. C'est comme la chicha, on ne peut pas fumer sans le tube et pourtant ce n’est pas l’élément principal. Internet est libre et même si je ne le suis pas, avec cet outil, on ne peut pas avoir peur. Si j’ai peur, je n’écris pas. Et si on m’enferme ou on me tape, ce n’est pas grave, je reviendrai et je continuerai.


Vous vous considérez comme un journaliste libre ?
Non, je suis blogueur. Je suis mon propre manager. J'écris et je décide. Internet est l’avenir du journalisme. La technologie est un moyen pour nous de réaliser nos rêves. La liberté du blogueur n’a pas de limite. Il écrit sur ce qu’il veut, sur ce qu’il sent. Et même si on enferme un blogeur, ça l’endurcit, c'est le gouvernement qui s’affaiblit.

Photo et propos recueillis par Sara HABA. (www.lepetitjournal.com - Le Caire-Alexandrie) mardi 24 juin 2008

Publié dans Egyptosphère

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J
c'est pas vraiment un scoop,il a été libéré le 1er juin !
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N
<br /> <br /> Exactement!<br /> Ce n'est pas un scoop, mais c'est une interview suite a sa liberation!!!<br /> Merci pour l'eclaircissement:)<br /> <br /> <br /> <br />