La prison pour Ibrahim Eissa

Publié le par Nora Dardir

 

Rédacteur en chef d’El-Doustour, quotidien égyptien opposant par excellence. Ibrahim Eissa, a été condamné à six mois de prison en mars dernier pour avoir publié un article sur la santé du président Moubarak. Il ne s’agit pas d’une blague.


Tout a commencé suite à un appel de Mme Suzanne Moubarak incitant à punir tous journalistes ayant diffusés des rumeurs sur la santé du président égyptien.
Très vite, une plainte a été déposée par un membre du Parti National Démocratique (PND) au pouvoir contre Ibrahim Eissa.
En effet, Ibrahim s’est demandé dans son article paru fin de mois d’août 2007 si la santé du président n’était pas en détérioration. Et bien qu’il ne soit pas le seul à se permettre de traiter un sujet aussi sensible, il a été choisi comme bouc émissaire.
La Cour correctionnelle de Boulak  Abou El-Ela au Caire a tranché l’affaire : six mois de travaux forcés en prison.
Selon les autorités égyptiennes, l’article d’Ibrahim Eissa a nuit à la stabilité du pays et à l’intérêt public. Chose qui a poussé les investisseurs étrangers à retirer leurs fonds d’investissements évalués à 350 million de dollars.

Eissa s’est absenté le jour de la prononciation du verdict. Et il a fait appel en payant une amende de 200 livres Egyptiennes soit 25 euros.
D’autres plaintes existent. La plus récente est contre la rédaction du quotidien El-Dostour pour avoir traité un sujet tabou toujours relatif à la santé du président. Ainsi que pour la parution d’un article dans lequel on se demande: "Qui détient les clés de la caisse personnelle du président Moubarak. Et combien elle contient? "


Un journaliste courageux
Le soir même du jour du verdict, Eissa a affirmé lors d’un talk-show sur une chaine satellitaire: "Je ne pourrai jamais me taire. Je continuerai toujours à rédiger afin de dénoncer la corruption dans mon pays. C’est mon boulot" Les réactions sont multiples. Amnesty International a condamné un tel verdict tout en exhortant les autorités égyptiennes à accorder plus d’espace à la liberté d’expression.
De son côté, C.N.N. a considéré El-Doustour un des quotidiens indépendants les plus osés, ayant pris l’habitude d’adresser au gouvernement des critiques aigües.  La voix de l’Amérique a qualifié Ibrahim Eissa comme étant un des journalistes les plus courageux d’Egypte, en soulignant qu’il est souvent impliqué dans des troubles avec le gouvernement.
Les proches du pouvoir applaudissent à un tel jugement, en particulier les neuf avocats du Président, en fanfaronnant "Yahya El-Adl" -vive la justice, lors de la prononciation du verdict, selon Ibrahim Eissa.
Finalement, un simple citoyen égyptien a félicité Ibrahim suite à sa condamnation, disant: "Mabrouk ya Am ! Au moins, tu mangeras gratuitement en prison des lentilles dont le kilo coûte neuf livres égyptiennes (1.5 euros). Et tu auras le pain, sans te faire tuer en faisant la queue!"


Nora DARDIR (
www.lepetitjournal.com - Le Caire) lundi 14 avril 2008

Publié dans Egyptosphère

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L
Je suis évidemment avec vous, ces deux principes sont une base saine et essentielle pour la démocratie. Mais ici, en Egypte, peut-on encore parler de suffrage universel quand on truque ainsi les élections ? Quand les opposants sont arrêtés et mis en prison ?Le suffrage universel fait un peu ici illusion... et la liberté de la presse suit...Sur ce point, tu as raison, les deux sont liés : plus la liberté de la presse est bafouée, plus le suffrage universel disparait (au sens utile du terme.... même si officiellement il est là)
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K
Le principe de la liberté de la presse n'est pas moins essentiel,<br /> pas moins sacré que le principe du suffrage universel.<br /> Ce sont les deux côtés du même fait. Ces deux principes s'appellent<br /> et se complètent réciproquement.<br /> La liberté de la presse à côté du suffrage universel,<br /> c'est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous
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